Parachat VAYIGACH

Parachat VAYIGACH

« Yossef ne put se contenir, devant tous ceux qui se tenaient là. Il s’écria : faites sortir tout le monde d’ici ! … Il éleva la voix en pleurant… Et il dit à ses frères : Je suis Yossef… » (Béréchit XLV, 1-3). C’est que jusqu’ici Yossef s’est efforcé de maîtriser ses émotions, comme le relève le Rachbam au verset 31 du Chap XLIII : « il se contint et dit : servez le repas » ; toute la conduite de Yossef était dans la retenue.

Il se retient vis-à-vis de ses frères, car il est convaincu que les desseins de D… lui ont été révélés dans ses rêves et qu’il faut qu’ils se réalisent, et que ses onze frères viennent à se prosterner devant lui. Mais aussi pendant toute la période où il est seul en Egypte, il a compris qu’il devait vivre en exil et que telle était la volonté de D…. C’est aussi pourquoi il n’envoya pas de message à son père pour dire qu’il était encore en vie.

Le Midrach, à propos du verset (Téhilim 112, 4) : « il est bienveillant, miséricordieux, vertueux », affirme qu’il se rapporte à Yossef. Il aurait été « miséricordieux » ? Affirmation surprenante, tant il aura fait souffrir ses frères, avant de se révéler à eux.

En fait Yossef est allé à l’encontre de sa nature. Tout celui qui accède à une position élevée se précipite en général auprès des siens pour leur raconter ce qui lui arrive. Yossef resta, quant à lui, réservé, dans la discrétion.

Nos Sages louent également la conduite de Chaül, qui après avoir été oint roi d’Israël par Chmouël : Chaül « quant à l’affaire de la royauté, il ne lui (à son oncle) raconta point ce qu’avait dit Chmouël » (Chmouël I, X, 16). Par contre, Haman, invité au festin du roi par Esther, rentra chez lui et fit venir ses amis et sa femme Zerech. Et « Haman leur exposa la splendeur de sa fortune et la multitude de ses enfants et comment le roi l’avait distingué et élevé au-dessus des grands et des officiers royaux » (Esther V, 11).

Yossef comme l’explique le Tsror Hamor voulait faire expier la faute de ses frères dans ce monde-ci. Il devait pour ce faire, agir avec discernement, tel que leur souffrance soit en regard et à la mesure de chacune de leurs mauvaises actions envers lui, jusqu’à les mettre, en dernier, avec Binyamin, dans une situation analogue à la sienne face à eux au moment de sa vente. C’est pourquoi il s’interdit de se dévoiler.

Il craint aussi le choc que subiraient ses frères à la découverte prématurée de la vérité. Mais il souffre en parallèle de voir son père et ses frères dans la difficulté. C’est pour cela que d’après le Sforno « il avait besoin de pleurer, il entra dans sa chambre et il pleura » (Béréchit XLIII, 30), ne pouvant plus supporter la souffrance et la douleur de ses frères et de son père. En tout cela, Yossef était bien « bienveillant, miséricordieux ». Contrairement aux apparences il a dû beaucoup se contenir, avec grande force, et pour le seul bien-être de ses frères dans l’autre monde.

Cependant nos Sages nous dévoilent que Yossef fut puni « mesure pour mesure ». A cause de lui ses frères « déchirèrent leurs vêtements (lorsque la coupe fut trouvé dans le sac de Binyamin) » (Id.XLIV, 13), en retour son petit-fils Yéhochoua déchira lui aussi ses habits après la première défaite essuyée à ‘Aï (Yéhochoua VII, 6). Pour avoir entendu dix fois (cinq fois de la bouche de ses frères et cinq fois de celle du traducteur) sans protester « ton serviteur, notre père », D… lui enleva dix années de sa vie.

Le Rav Zeitchik zatsal explique que quand bien même Yossef désirait agir pour le bien de ses frères, il aurait dû s’annuler devant leur souffrance (dès lors qu’ils confessaient leurs fautes) et face au respect dû à son père. Un homme peut être animé de bons sentiments, mais il se doit de respecter son prochain et d’éviter sa souffrance lorsqu’elle n’est pas indispensable.

Chabbat Chalom Oumévorakh