Parachat VAYICHLA’H
« Et il choisit dans ce qui se trouvait en sa possession, un hommage pour Essav son frère » (Beréchit XXXII, 14). Par la suite, la Torah détaille « cet hommage » en énonçant tous les présents que Yaakov envoie à son frère afin d’apaiser sa colère. Le Ramban fait remarquer que Yaakov ne se fie pas au mérite de sa piété, mais fait son maximum pour se sauver des mains de Essav, car on ne doit pas compter sur un miracle.
Autrement dit, d’après le Ramban, envisager que Yaakov, sans avoir à faire de cadeaux à son frère, parvienne à lui parler et à le calmer par de simples paroles, c’est de l’ordre du miracle. Pourtant, lorsque deux hommes qui se sont disputés, acceptent de faire la paix, en l’absence de cadeaux, on ne crie pas au miracle. Pourquoi donc, dans les mêmes conditions, la réconciliation de deux frères, serait-elle miraculeuse ? Essav serait-il à ce point intraitable ? Quand bien même il détesterait Yaacov, ils restent néanmoins frères !
Le Rav Yérou’ham zatsal de Mir (dans son livre Daat hokhma vé Moussar) explique que de là nous voyons que pour changer la nature d’un homme il faut quasiment un miracle. Et parfois un plus grand encore que celui qui est fait à Yaakov, muni de son bâton, pour traverser à pied le Jourdain. Car comme nous le révèle le Midrach, il toucha le Jourdain de son bâton et le fleuve s’est fendu pour lui livrer passage (Rachi).
Cette difficulté à modifier nos comportements, à changer notre nature est aussi rapportée par le Midrach Tan’houma à propos des frères de Yossef. Lorsque ce dernier se dévoile à ses frères, ils voulurent le tuer, et c’est l’intervention d’un ange qui les en empêche. Ils étaient pourtant descendus en Egypte à sa recherche, dans l’espoir de le retrouver, et prêts à tuer ou à se faire tuer pour le sauver. Eux-mêmes avaient reconnu leurs erreurs et ne trouvèrent pas de mot lorsque Yossef leur dit « je suis Yossef ». Comment pouvaient-ils alors vouloir le tuer?
A la fin de la paracha Vayétsé, Yaakov dit à Lavan : « Quel est mon crime, quelle est ma faute pour que tu t’acharnes après moi ? » et de lui rappeler combien il avait été fidèle et honnête pendant ces vingt ans de travail. Mais Lavan ignore complètement tout ce que lui dit Yaacov et lui répond : « ces filles sont mes filles, et ces fils sont mes fils et ce bétail est le mien; tout ce que tu vois m’appartient » (Id XXXI, 36-43). Lavan ne peut se corriger, même face aux meilleurs arguments il reste aveuglé par son dépit.
C’est aussi ce que Iyob dit à D… (Baba Batra 16a), dans l’espoir d’acquitter le monde entier du grand Jugement : « Tu as créé le taureau avec des sabots fendus et l’âne avec des sabots fermés, l’un restera toujours cacher et l’autre ne le sera jamais. Tu as créé le Gan Eden et l’Enfer, les Tsadikim et les Réchaïm. Tout comme le taureau et l’âne, l’homme qui est né avec de mauvaises tentations ou une mauvaise nature ne pourra pas se changer ». Mais ses amis lui dirent : « tu en viens à saper la piété » (Yiob XV, 4).
D…a créé le mauvais penchant, mais Il a aussi créé son antidote : la Torah ! Sans elle, il faut effectivement un miracle pour modifier la nature de l’homme, mais la Torah, et elle seule, donne à l’homme la force d’y parvenir par soi-même. C’est ce que la Michna nous enseigne (Avot ch.III) : « Chéris sont les enfants d’Israël, à qui leur a été donné la Torah, avec laquelle le monde a été créé ». Si D… a créé le monde avec la Torah, elle a de ce fait la force de transformer le caractère de l’homme qui s’en imprègne. Encore faut-il qu’il s’y emploie avec attention, parce que, comme disait le Rav Israël Salenter, il est plus facile d’étudier tout le Chass (Talmud) que de parfaire une seule « mida » (qualité).
Chabbat Chalom Oumévorakh