Parachat Vayéchév
« Ses frères voyant que leur père l’aimait de préférence à eux tous, le prirent en haine (…) Yossef ayant eu un songe, le conta à ses frères et leur haine pour lui s’en accrut encore. Il leur dit : Ecoutez je vous prie, ce songe que j’ai eu (…) Et ils le haïrent plus encore pour ses songes et pour ses propos. » (Beréchit XXXVII, 4-8).
Cette haine est mentionnée dans ces versets à trois reprises. Ils le haïssaient avant ses rêves, et lorsqu’il vient les raconter leur haine pour lui s’en accrut, et ils le haïrent plus encore après en avoir pris connaissance.
« Israël préférait Yossef à ses autres enfants parce qu’il était le fils de sa vieillesse ; et il lui avait fait une tunique à rayures. » Nos sages (Chabbat 10b) nous mettent en garde de ne pas faire de différence entre nos enfants, car pour un habit de laine fine d’une valeur de deux Sélaïm que Yaacov lui avait fait, ses frères le jalousèrent et d’un événement à l’autre, nos ancêtres seront amenés à descendre en Egypte, où l’esclavage commencera.
Le décret de l’esclavage avait déjà été annoncé à Abraham comme il est dit : « Sache-le bien, ta postérité séjournera sur une terre étrangère, où elle sera asservie et opprimée, durant quatre cents ans » (Id. XV, 13). C’est donc à partir de la naissance de Yits’hak que démarre le compte de cette « servitude ». Mais l’esclavage, proprement dit, débutera beaucoup plus tard, et si Yossef n’avait pas été jalousé et vendu en Egypte, nous dit le Maharam, nombre d’années d’esclavage auraient pu être évitées.
Pourquoi Yaacov avait-il cette préférence pour Yossef ? Yaacov voulait simplement stimuler ses autres enfants et leur faire mériter, eux aussi, une tunique comme celle de Yossef. Mais cette conduite lui fut reprochée, Yaacov était d’un tel niveau qu’il n’aurait pas dû agir ainsi.
Lorsque Yossef vient raconter ses rêves, ses frères sont surpris. Sachant que les rêves se réalisent suivant l’interprétation qu’on leur donne, il convient de les raconter à un ami, ou à quiconque les interprètera en bien (Bérakhot 55b). Comment se fait-il que Yossef vienne en parler à ses frères, qui ne cachaient pas leurs sentiments négatifs envers lui? Ils se dirent alors que Yossef devait interpréter leur comportement distant à son égard comme l’attitude révérencieuse que tout élève se doit d’avoir pour son maître : « Il ne le salut pas comme tout un chacun, mais s’adresse à lui avec crainte et respect », (Ch.Aroukh Y.D. 242, 16). Cette prétention, supposée, accrut leur haine, avant même qu’il ne raconta les détails de son rêve (rav Réouven Karlenchtein zatsal).
« Et ils le haïrent plus encore pour ses songes et pour ses propos. » Ses propos, de médisance, qu’il rapportait à leur père, (Rachi). Pourtant la Torah écrivait plus haut que : « Ses frères voyant que leur père l’aimait de préférence à eux tous, le prirent en haine. » Est-ce seulement après le récit des rêves qu’ils se rappelèrent de ce que Yossef rapportait à leur père, concernant leur conduite avec les fils des servantes Bilha et Zilpa ?
Là encore nos commentateurs nous éclairent. Les frères de Yossef pensaient au départ, que Yossef était un Tsadik, soucieux du respect dû à tout un chacun et qu’il désapprouvait leur conduite vis-à-vis des fils des servantes. Mais lorsqu’il raconte ses rêves où il se décrit comme un roi, et ses frères comme ses esclaves se prosternant devant lui, ils se dirent que la nuit révélait ses pensées du jour :Yossef était simplement un orgueilleux, prétentieux, qui ne cherchait que des honneurs. Alors ses propos antérieurs leur apparaissent comme de la médisance, voire de la calomnie.
Le rav Moché Chapira zatsal, expliquait que depuis la Création du monde l’humanité connaissait à chaque génération la dualité du bien et du mal dans chaque famille. Le « mal » : Cayin chez Adam Harichon, ‘Ham chez Noa’h, Yichmaël chez Abraham, Essav chez Yits’hak. Les frères de Yossef pensaient qu’il était le mal sorti de Yaacov : grossière erreur car Yaacov était Chalèm, intègre et parfait.
Chabbat Chalom Oumévorakh