Parachat VAYICHLA’H

Parachat VAYICHLA’H

« Yaacov envoya des messagers à Essav, son frère (…) Il leur avait donné cet ordre : Vous parlerez ainsi à mon seigneur, à Essav, ainsi parle ton serviteur Yaacov : J’ai séjourné chez Laban et prolongé mon séjour jusqu’à présent. » (Beréchit XXXII, 4-5) 

Rachi explique : « J’ai séjourné, je n’y suis devenu ni un prince, ni un notable, j’y suis resté un étranger. Tu n’as plus aucune raison, par conséquent, de me haïr à cause de la bénédiction que m’a donnée ton père : Sois un maître pour tes frères, car elle ne s’est pas réalisée. Autre explication la valeur numérique des lettres de garti (j’ai séjourné) est de six cent treize, comme si Yaacov avait voulu dire : Tout en séjournant chez Lavan l’impie, j’ai continué d’observer les six cent treize commandements et je n’ai pas suivi ses mauvais exemples. »

Ces deux enseignements de Rachi nous interpellent. Le Rav Moché Feinstein zatsal, s’interroge : 1) « La Bénédiction de notre père ne s’est pas réalisée », est-ce que Yaacov nie la prophétie de Yits’hak, et pense que ses bénédictions ne se réaliseront pas. 2) Qu’importe à Essav que Yaacov ait respecté les mitsvot ou pas ?

Le rav Feinstein répond, d’après Rachi lui-même, sur le verset des bénédictions dites à Yaacov. « Puisse-t-Il te donner, Elokim, de la rosée des cieux et des sucs de la terre, d’une abondance de moissons et de vendanges » (XXVII, 28)Elokim désigne la justice divine. Si tu le mérites, Il te donnera, sinon Il ne te donnera pas. Mais à Essav, Yits’hak a dit : « une grasse contrée sera ton domaine et les cieux t’enverront leur rosée » (verset 39).Que tu sois juste, ou que tu sois un impie, Il te les donnera.

C’est de là que s’est inspiré Chlomo Hamélékh, lors de l’inauguration du Temple, quand il a dit qu’Israël qui a la foi et reconnait l’équité du jugement à son égard, ne Te fera jamais de reproche, c’est pourquoi « Tu traiteras chaque homme selon sa conduite, selon ce que Tu connais de son cœur, car seul Tu connais le cœur de tous les humains » (Mélakhim 1, VIII, 39). Mais du païen, qui n’a pas la foi, « Toi tu l’entendras du Ciel … et Tu exauceras les vœux que T’adressera l’étranger ». Qu’il en soit digne ou non, donne-lui, afin qu’il ne Te fasse pas de reproche.

Ainsi, au moment de donner ses bénédictions, Yis’hak pensait bénir Essav, qu’il croyait être un Tsadik, et l’intention de sa bérakha était à la condition qu’il soit méritant. Parce qu’un juste accepte le jugement divin et ne veut pas recevoir ce qu’il ne mérite pas. Mais une fois qu’Yits’hak apprit qui était réellement Essav, à savoir qu’il n’était pas un Juste, il le bénit alors sans aucune condition suspensive.

Yaacov vient donc dire à Essav, que bien qu’il ait gardé les Mitsvot, pendant son séjour chez Lavan, toutes les bénédictions ne se sont pas réalisées, parce qu’il n’avait pas rempli les conditions exigées par Yitshak. A plus forte raison, Essav, qui s’il avait été béni en premier, n’aurait pas mérité ces bérakahot. D’une certaine façon, il devrait remercier Yaacov, grâce auquel il a pu bénéficier immédiatement des bienfaits, octroyés sans restriction.

Autre explication, certes, Yaacov a vu se réaliser pour lui certaines des bénédictions, puisqu’il avait respecté, même chez Lavan, les commandements, mais la matérialité n’était pour lui qu’un moyen d’œuvrer en vue du monde futur, en ce qu’elle lui permettait d’accomplir la Torah et les mitsvot dans ce monde-ci. Mais pour Essav, jamais rassasié de biens matériels, comme il le dit lui-même : « J’ai beaucoup mon frère » (XXXIII, 9) laissant sous-entendre qu’il en espérait davantage, les bénédictions prises par Yaacov n’étaient pas si intéressantes et ne méritaient donc pas qu’il tienne rancune à son frère.

Chabbat Chalom Oumévorakh