Parachat Vaéthanan
Nous lisons dans la paracha de cette semaine le premier paragraphe du « Chéma » qui commence par ces versets : « Ecoute Israël, l’Eternel est notre D… l’Eternel est Un (E’had) ! Tu aimeras l’Eternel ton D… de tout ton cœur, de toute ton âme et avec tout ton pouvoir » (Dévarim VI, 4-5). Rabbi Akiva dit (Guémara Bérakhot 61b) : « de toute ton âme », c’est-à-dire même au prix de ta vie.
Rabbi Akiba faisait partie des dix Sages martyrs (harougué malkhout) condamnés à mort par les Romains. On arrachait sa chair avec des tenailles en fer et les flammes du bûcher atteignaient son corps, mais comme c’était le moment du Chéma, il le récita avec ferveur et dans la joie, celle de pouvoir, dans de telles conditions, recevoir le joug de la royauté céleste. Ses élèves lui dirent : « Rabbi, à ce point ? ». Il leur répondit : « toute ma vie j’étais préoccupé, et je me demandais à quel moment pourrai-je accomplir l’exigence de ce verset ! (dans sa plénitude) ». Il prolongea le mot E’had du Chéma jusqu’à ce que son âme l’ait quitté. Une voix sortie du ciel proclama : « heureux sois-tu Rabbi Akiva dont l’âme a quitté ce monde au mot E’had » (proclamant l’unicité de D…).
Le Rav Leib Hassman zatsal s’interroge : faut-il donner sa vie en sacrifice pour accomplir le commandement d’aimer D…? Rabbi Akiva lisait le Chéma quotidiennement, et voyait sûrement, de jour en jour, grandir son amour pour le Créateur, au point d’être prêt à donner sa vie pour la sanctification de Son Nom. N’accomplissait-il pas ainsi la mitsva ? Le Rav répond que nous avons l’habitude de considérer que cette mitsva consiste à ne pas renier sa foi, voire au prix de sa vie. Cependant, cette explication, certes vraie, n’est pas l’explication profonde du verset.
En général celui qui donne, offre sans attente de retour ; c’est lui qui fait plaisir au receveur. Il est et reste seulement le donateur. Par contre, lorsque les présents sont ordinairement refusés par le receveur, lorsque celui-ci consent à les accepter, c’est alors un honneur et une joie pour le donneur qui devient objectivement, lui, le véritable receveur, du fait que son présent ait été agréé. Parce que, somme toute, cette acceptation est en retour un témoignage d’amour.
Il est évident qu’à l’égard de D… l’homme n’est pas celui qui donne, mais bien entendu, celui qui reçoit, du fait que D… daigne accepter ce qu’il se propose de Lui offrir. C’est la preuve d’amour entre l’Eternel et ses créatures. Du côté de l’homme, l’amour puissant qu’il ressent alors pour son Créateur, prévaut sur les efforts, les souffrances, et la douleur. D’ailleurs plus cet amour s’intensifie, plus il nous remplit d’une joie immense avec le sentiment de se rapprocher du Créateur. Et moins il reste de la place pour les préoccupations matérielles et les sensations physiques.
C’est ce que les élèves de Rabbi Akiva lui demandent. Lorsqu’ils le voient, serein et concentré, articuler avec dévotion chaque mot du Chéma alors même qu’il endure des souffrances parmi les plus grandes que l’homme puisse supporter. Ils s’étonnent et lui demandent : « Maître ! L’être humain peut-il atteindre un tel niveau ? » Il leur explique que c’est l’aspiration de toute une vie, l’aboutissement d’un long travail sur soi, pour faire grandir en lui, chaque jour davantage, la perception de l’amour que D… a envers son peuple. C’est qu’aimer « de toute son âme » est un effort intellectuel spirituel, une adhésion de l’esprit dans une abnégation totale. Dans son élan d’amour Rabbi Akiva en arrive au point de ne plus rien ressentir sinon le désir d’aller au plus proche à la rencontre de son Créateur.
Jusque dans ses derniers moments de vie, entouré de ses élèves, Rabbi Akiva aura donné son dernier cours de Torah en expliquant le sens profond de ce verset.
Chabbat Chalom Oumévorakh