PARACHAT EMOR
Au début de notre paracha, la Torah poursuit ses recommandations au Cohen Gadol. En particulier, il ne doit pas se rendre impur, même pour le deuil d’un de ses proches parents. « Et il ne quittera pas le sanctuaire, et il ne profanera pas le sanctuaire de son D…, car il porte le sacre de l’huile d’onction de son D… » (Vayikra XXI, 12).
Pour se faire, une habitation dans le Temple, appelée ‘’la pièce du Cohen Gadol ‘’ lui était réservée. « Son honneur et sa gloire, dit le Rambam, sont qu’il doit demeurer dans le Temple toute la journée, qu’il n’en sorte que pour rentrer chez lui la nuit, ainsi qu’une heure ou deux le jour, si besoin. Sa maison se trouve à Jérusalem et il ne sortira pas de là. » (Kélé Hamikdach ch. 5, hl 6)
De fait, il est en quelque sorte « en prison », chez lui ou au Temple, et ne sort jamais de Jérusalem ! En quoi est-ce « sa gloire et son honneur » ?
Avant de mourir, le roi David avait dit à son fils Chlomo : « Chimi’, fils de Guéra, … m’accabla des plus cruels outrages, lorsque je me retirai à Ma’hanaïm (…) Et bien ! ne le laisse pas impuni, car tu es un homme avisé … et tu feras descendre, dans le sang, sa vieillesse dans la tombe » (Mélakhim I, chapitre II, 8-9). Le roi Chlomo fit appeler Chimi’ et lui dit : « Edifie-toi à Jérusalem, une maison où tu demeureras, et tu ne la quitteras pas. Le jour où tu en sortiras, où tu franchiras le torrent de Kidronne, saches bien que tu mourras et que tu seras l’auteur de ta perte » (idem 36-37). Trois ans plus tard, deux de ses esclaves s’étant enfuis, Chimi’ sortit à leur recherche, et le roi trouva alors la possibilité de le tuer.
S’il n’était pas sorti comment Chlomo hamelekh aurait-il pu accomplir la volonté de son père ? Le Rav Haïm Chmoulévitch, zatsal, répond qu’un homme peut, de sa propre initiative, choisir de ne pas quitter tel endroit précis, mais s’il en était forcé, il se vivrait emprisonné et ferait tout pour sortir retrouver sa liberté. En interdisant à Chimi’ de quitter Jérusalem, le roi Chlomo était certain qu’un jour ou l’autre il transgresserait son ordre et qu’il pourrait ainsi le tuer.
Le Rav Chimchon Pinkous, zatsal, ajoute son explication personnelle. A savoir que le premier homme était à sa création dans une configuration physique et spirituelle tout à fait différente, « les pieds sur terre mais la tête atteignant le Ciel », mais aussi « d’un bout à l’autre du monde » (Haguiga 11b) qu’on explique généralement par « contemplant l’univers d’un bout à l’autre ». C’est après la faute qu’il fut rétréci physiquement et réduit dans ses possibilités. Il est tout à fait naturel qu’il ressente le besoin d’élargir sa vision du monde, de pouvoir parcourir le monde, de communiquer et de s’informer à distance. Le plaisir de voyager, de voir défiler les paysages, sont des témoignages de cette nostalgie inconsciente.
Empêcher le Cohen Gadol de sortir de Jérusalem, c’est certes contrarier sa nature et le mettre en difficulté. Mais s’il demeure dans le Temple, les pieds sur terre, sa tête dirigée vers le Ciel, en quête perpétuelle du spirituel, il retrouve par là, la première facette de la dimension du premier homme et ne se sentira pas emprisonné. Se rapprocher du divin jusqu’à vouloir et espérer atteindre le Kissé Hakavod (le Trône céleste) c’est là sa gloire et son honneur.
Chabbat Chalom Oumévorakh