Parachat VAYETSE 

Parachat VAYETSE

          Une lecture rapide de la paracha laisserait croire que la naissance des douze tribus, issues de Yaacov, aura été conflictuelle, marquée par la jalousie et l’animosité des matriarches entre elles, chacune désireuse que les douze fils, promis à Yaacov, soit le fruit de sa seule descendance.

          Certes, les noms donnés aux enfants de Yaakov par leurs mères nous interpellent. Le nom que l’on donne à un enfant, il le porte toute sa vie. S’agissant des tribus d’Israël, ces noms sont ceux de toutes les générations à venir, et qui seront gravés sur les pierres précieuses du pectoral du Cohen Gadol. Il est évident, précise le rav Haïm Fridlander zatsal, qu’ils sont bien plus que l’expression des sentiments personnels de nos matriarches : ils nous révèlent les chemins de l’intervention divine et les secrets de Sa conduite.

« Léa … enfanta un fils. Elle l’appela Réouven, parce que … l’Eternel a vu (raah) mon humiliation, de sorte qu’à présent mon époux m’aimera » ; « Elle conçut de nouveau … et dit, parce que, l’Eternel a entendu (chamà) que j’étais dédaignée, il m’a accordé aussi celui là. Elle l’appela Chimôn » ; puis Lévi car « désormais, mon époux me sera attaché (yélavéni), puisque je lui ai donné trois fils ». Enfin, « elle … enfanta … Yéhouda … pour le coup je rends grâce (odéh) à l’Eternel » (Beréchit XXIX, 32-35).

« L’Eternel considéra que Léa était dédaignée, et il rendit son sein fécond, tandis que Ra’hel fut stérile » (Id XXIX, 31). Est-ce que Yaakov méprisait vraiment Léa ? Non, dit le Ramban, c’est impensable d’imaginer une telle chose de la part de Yaakov Avinou ! Cependant lorsqu’une femme est davantage aimée par son mari que sa rivale, la Torah dira qu’elle, est aimée, et l’autre détestée.

Yaakov reprochait à Léa de l’avoir trompé, elle aussi, comme Lavan son père. Bien que Ra’hel ait accepté de lui remettre les signes (convenus par Yaakov) Léa aurait dû, elle, refuser d’être associée au « complot » de son père. Le Sforno nous dit que Léa était originellement stérile, et que Yaacov le savait. Aussi pensait-il qu’elle était de connivence avec son père, ayant trouvé l’occasion inespérée de pouvoir se marier.

   Humiliée d’être suspectée à tort, l’Eternel lui accorda une belle descendance, telle la femme Sotta, injustement soupçonnée, qui se voyait récompensée par la naissance d’un bel enfant. En l’appelant Réouven, Léa nous dévoile les voies de l’Eternel. Dédaignée, à cause de ce soupçon persistant, elle appellera son deuxième fils Chimôn pour proclamer que D… est toujours attentif aux souffrances de chacun.

  Ra’hel appela Dan, le fils de sa servante Bilha, parce que « le Seigneur m’a jugée (danani), et il a écouté ma voix aussi » ; et le suivant Naftali car « c’est une lutte (naftoulé) de D…, que j’ai entreprise contre ma sœur, et pourtant je triomphe ! » (Id. XXX 6, 8).

 

           Ra’hel s’adressant à Yaakov, lui avait dit : « rends moi mère, autrement j’en mourrai ! »(Id.XXX, 1). « Ton grand père Abraham, a prié pour Sarah, bien qu’il avait déjà un enfant de Hagar ». Yaakov lui répondit qu’Abraham ne pria pour Sarah qu’après qu’elle ait fait entrer une rivale dans sa maison, sa servante Hagar. Ra‘hel lui répondit : « voici ma servante Bilha (…) elle enfantera dans mes bras et par elle moi aussi je serai mère » (Id., 3).

           Le Sforno explique que de proposer sa servante à son mari, a réveillé en elle (bien que stérile) la possibilité d’enfanter. C’est une Hichtadlout, une démarche que lui proposait Yaakov afin que sa demande soit exaucée. C’est la lutte dont parle Ra‘hel, et dont elle triomphe, car sa principale préoccupation est de faire naître rapidement les douze tribus d’Israël.

          Au sujet des mandragores que Réouven ramène des champs, les commentateurs expliquent que cette plante odorante pouvait favoriser la fécondité. Ra’hel demanda à sa sœur de les lui donner afin qu’elle puisse enfanter, qu’elle puisse être elle aussi une des mères des chévatim.

          Léa appela son fils Yissakhar parce que l’Eternel «  m’a récompensé (sakhar) d’avoir donné ma servante à mon époux » et Zévouloun parce que « l’Eternel m’a accordé (yizbéléni) comme un don précieux en échange des mandragores données à ma sœur ».

          Les noms des chévatim, au travers des circonstances qui entourent leur naissance, nous révèlent les voies de l’Eternel et le souci des sœurs de participer, en commun, à la construction du peuple juif, à partir des douze fils de Yaacov, des douze tribus.

  Chabbat Chalom Oumévorakh