PARACHAT TOLDOT
Parce que Yaakov lui avait pris ses bénédictions, Essav s’était juré de le tuer. Rivka, « informée des desseins de son fils ainé » demanda à Yaacov de partir « se réfugier auprès de Lavan … à Haran ». Elle dit alors à Yits’hak : « Je suis dégoûtée de ma vie à cause des filles de Heth, si Yaakov choisit une épouse parmi les filles de Heth … que m’importe la vie ? » (Beréchit XXVII, 46). Car les deux femmes de Essav, qui étaient des filles de Heth et pratiquaient l’idolâtrie, « furent une amère affliction pour Yits’hak et Rivka » (idem XXVI,35).
On peut comprendre que Rivka ne veuille pas d’une telle femme pour son fils Yaacov, mais les termes qu’elle utilise « que m’importe la vie » sont étonnants. Elle, l’épouse du fils d’Abraham, la mère de Yaakov, qui voyait la Présence divine reposer sur sa tente, et qui fut même gratifiée de l’esprit prophétique, n’était-elle pas une femme comblée et heureuse ? Pourquoi donc une belle-fille « inconvenante » lui ferait-elle renoncer à toute cette vie pleine de spiritualité ?
Le Staïpeler, Rav Yaakov Israël Kanievski zatsal, avait l’habitude de dire que D… avait créé, sans aucun doute, l’homme pour qu’il soit heureux ! Reste à savoir si le bonheur est pour ce monde-ci ou pour le monde futur. Il faut bien reconnaître que le bonheur dans ce monde-ci est fragile, car l’homme n’est jamais entièrement satisfait de son sort et demande toujours davantage. La plus grande félicité que l’homme pourrait avoir atteinte restera éphémère, car la moindre contrariété la ferait disparaître. Rivka Iménou perdrait jusqu’à sa raison de vivre si son fils, Yaakov, venait à épouser une idolâtre ? On peut raisonnablement conclure que le véritable bonheur est réservé au monde futur.
La réaction de Haman (dans la méguilat Esther) en est une illustration : lorsqu’il « fait venir ses amis et sa femme Zérech … Haman leur exposa la splendeur de sa fortune et la multitude de ses enfants et comment le roi l’avait distingué et élevé au-dessus des grands et des officiers royaux ». Il raconta aussi qu’il était « le seul que la reine Esther ait invité avec le roi au festin» mais pourtant « tout cela est sans prix à mes yeux tant que je vois ce juif Mordékhaï assis à la porte du roi » (Esther V, 11-13). Cette minime contrariété lui fait négliger tout le bénéfice du reste.
Autre illustration, de la guemara Guittin (56, b) : Vespasien apprenant à Jérusalem, (que César était mort et) qu’il avait été désigné à Rome pour lui succéder, n’arrivait pas à chausser sa deuxième botte, et pas non plus à retirer la première, qu’il avait déjà enfilée. Son pied avait enflé. Rabbi Yo’hanan lui expliqua que c’était l’effet de « la bonne nouvelle qui rend les os plus forts » (Michlé XV, 30). Comment y remédier ? Faire passer devant lui un homme qu’il ne supporte pas, et dont la vue le contrarierait, car « Un esprit abattu dessèche les os » (Id XVII, 22). Vespasien suivit le conseil et réussit à faire entrer son pied dans la botte.
Bien que Vespasien, promu empereur, se trouve arrivé à l’apogée de sa carrière, voire au but de sa vie, la seule vue de son ennemi l’aura perturbé et attristé. Rabbi Yohanan, en fin connaisseur de l’âme humaine était certain de cet effet négatif et de ses conséquences.
La sensibilité de l’homme et son affectivité le rendent vulnérable et ce n’est que dans le monde futur que s’accomplira la volonté de D… d’apporter à l’homme le bonheur qui lui est réservé.
Chabbat Chalom Oumévorakh