Parachat KI TISSA
La Kétoret (l’encens) était brûlée par le Cohen sur l’autel, à l’intérieur de la Tente d’assignation, deux fois par jour, comme rappelé dans la prière du matin et dans celle de l’après-midi. Cet encens était composé de onze aromates différents, selon une quantité précise pour chacun d’entre eux, au compte de trois cent soixante huit Mané (mesure de l’époque) qui étaient broyés finement comme il est dit : « Tu le réduiras en poudre fine » (Chémot 30,36).
La Guémara (Kéritout 6b) rapporte qu’au moment où la kétorét était pilée, le cohen devait dire : « הדק היטב היטב הדק » (finement, bien finement), parce que la voix du cohen était bénéfique aux parfums. Rabbi Yohanan enseignait : « autant la parole du cohen « donnait » bonne odeur aux parfums, autant elle était néfaste pour le vin ».
La Guémara (Ménahot 87a) rapporte que lorsque le guizbar, le préposé au vin (lequel devait être versé sur l’autel) faisait couler le vin du tonneau, il surveillait le liquide qui devenait trouble à l’approche de la lie. Il faisait alors signe avec sa canne en roseau, pour qu’on arrête de verser, en évitant de parler pour ne pas altérer le goût du vin.
La parole aurait ainsi des effets contradictoires ! S’agit-il de phénomènes naturels ? Quel est le message que veulent nous transmettre nos Maitres ? Rabbi Yohanan ne vient certainement pas nous décrire des lois simples, inscrites dans la nature.
Le Béér Yossef, rabbi Yossef Salant zatsal, rapporte le Rachi, dans Chir Hachirim (I, 2) à propos du verset : « car Tes caresses sont plus délicieuses que le vin » : le vin rehausse et valorise tout repas de fête. Esther invita le roi Ahachvéroch et Haman à un « festin de vin » (Esther VIII, 2). Elle proposa, certes, à ses invités toutes sortes de mets délicieux, et pas seulement du vin, mais le vin était le « roi de la soirée », car il symbolise les plaisirs du corps au point que tout le repas, porte son nom, et est appelé « festin de vin » (michté hayayin).
Pour les enfants d’Israël, le vin et les plaisirs du monde sont orientés par la Torah, le vin pour le kiddouch, pour la havdala, et aussi à chaque occasion de fête, brith-mila, mariage … Le vin vient renforcer les moments de joie, comme il est dit : « Le vin réjouit le cœur des mortels » (Téhilim 104, 15). Par contre, au service de la jouissance matérielle, il est repoussé par le verset : « ne sois point parmi les buveurs de vin » (Michlé XXIII, 20).
Les parfums eux symbolisent les plaisirs de l’âme comme nos Sages le disent (Berakhot 43b) : « quelle est la chose dont l’âme profite et pas le corps, c’est l’odorat ». C’est pourquoi la parole est bénéfique pour les parfums symboles de plaisir spirituel et néfaste pour le vin symbole de plaisir matériel. Rabbi Yohanan nous rappelle que la parole qui s’emploie à développer des sujets spirituels est bénéfique et positive, mais celle qui s’attarde sur le monde matériel, en fait sa préoccupation centrale, celle-là n’est pas souhaitable.
Le rav Réouven Karlenshtein zatsal rajoute les paroles du Hovot Halévavot (ch 8) : « ce monde-ci et le monde futur sont comme rivaux, comme l’eau et le feu, deux forces antagonistes inconciliables. C’est dire que l’homme ne peut s’attacher aux deux en même temps, mais il pourra toutefois mettre l’accent dans ce monde-ci sur ce qui le portera au monde futur, de sorte que le premier soit au service du second. Que la parole soit toujours bonne, et non pas nuisible, c’est le message de rabbi Yohanan.
Chabbat Chalom Oumévorakh