Parachat DEVARIM
Au début du Séfer Dévarim, « Moché redit aux enfants d’Israël tout ce que l’Eternel avait ordonné à leur égard » (Dévarim I, 3), énumère leurs fautes, puis leur détaille les instructions, données aux juges qu’il avait placés à leur tête : « Ne faites point en justice, acception de personnes, vous écouterez le petit comme le grand, ne craignez qui que ce soit, car la justice est à D… ! Le cas qui vous apparaîtra trop difficile, vous me le présenterez et je l’entendrai » (Id. I, 17).
Rachi rapporte que pour cette dernière phrase Moché rabbénou oublia la loi de l’héritage concernant les filles de Tsélof’had. C’est que D… a relevé dans ces paroles une absence de modestie.
De même pour Chmouël, le prophète, qui avait dit à Shaül : « c’est moi qui suis le voyant » (Chmouël I, IX, 19). Le Saint béni-soit-Il lui avait dit alors : « Je vais te montrer que tu n’es pas un voyant ! ». Aussi, lorsqu’il est venu pour oindre David comme roi, il s’est trompé. Apercevant Eliav, son grand frère, il s’était dit : « c’est certainement lui, le oint de D… ! », mais D… lui fit remarquer : « n’as-tu pas dit que tu étais le voyant ? Ne te fie pas à son apparence (…) celui-là Je le repousse » (id. XVI, 6).
Nous voyons là, l’importance que la Torah donne à toute parole! Un mot, apparemment anodin, petit « écart de langage », peut révéler un manque, qui se trouvera ensuite rectifié par une sanction marquée.
A propos des tribus de Réouven et de Gad qui ont dit : « nous voulons construire ici des parcs à brebis pour notre bétail, et des villes pour nos familles » (Bamidbar XXXII, 16). Moché leur fera remarquer qu’ils avaient plus d’égards pour leurs biens matériels que pour leur progéniture, en plaçant leurs projets d’aménagement pour le bétail avant ceux de leur famille. Il leur dit : « faites de l’essentiel ce qui est essentiel, et de l’accessoire ce qui est accessoire ! Construisez donc des villes pour vos familles et des parcs pour vos brebis » (Id. XXXIII, 24).
Ne pouvons-nous pas dire un simple mot sans qu’il soit scruté et analysé, s’étonne le Rav Guérchon Libman zatsal, dans son livre Déguél Hamoussar ? Une phrase ne peut-elle pas nous avoir échappée sans aucune arrière-pensée particulière ?
Lorsque Moché vient faire des remontrances aux enfants d’Israël, pour avoir fait le veau d’or, il ne le fait que par allusion, à travers le lieu « Di-Zahav » (Di = Daï = suffisant ; Zahav = or) rappelant l’épisode du veau d’or qui a été fait par surabondance d’or, en leur possession. Mais Moché devait-il cacher cette faute connue et reconnue, et pour laquelle toutes les générations devront payer réparation ? C’est que Moché a recherché l’origine de la faute, à savoir l’or ! La remontrance doit être dirigée vers la source de la faute et non pas sur l’action fautive elle-même.
C’est ainsi que Moché indique la source de chaque faute et par suite ses conséquences. « Onze jours depuis le ‘Horev, par le chemin de Séir, jusqu’à Kadech Barnéa ». Moché leur dit : « ce chemin (le plus court) de onze jours, D… vous l’a fait parcourir en trois jours, miraculeusement, désireux de vous faire entrer rapidement en terre d’Israël. Mais hélas ! Vous avez fauté et suivi les explorateurs dans leurs calomnies, D… vous a fait errer autour du mont Séir, quarante années durant ! » (Rachi, Devarim I, 2).
Aussi, explique le Rav Libman, l’Eternel précise à Moché : « ce que tu as dit n’est pas une simple parole. Il faut remonter à ce qu’elle révèle, non pas pour te punir, mais pour que tu puisses te parfaire ». D… a relevé dans les propos de Moché un trait d’orgueil, et lui a fait oublier la loi de l’héritage des filles. A Chmouël, l’Eternel fait percevoir la prétention de sa déclaration, « le voyant c’est moi », l’invitant à une plus grande modestie. Le Sage ne doit pas se glorifier de sa sagesse, mais en profiter pour cultiver l’humilité, et surveiller son langage pour éviter le moindre soupçon d’orgueil.
Chabbat Chalom Oumévorakh