Parachat Choftim
A la fin de notre Paracha, la Torah nous enseigne : « Si l’on trouve… un cadavre en plein champ, et que l’on ignore qui l’a frappé … Tes anciens et tes juges sortiront et mesureront (la distance du cadavre) aux villes situées aux alentours … les anciens de cette ville (la plus rapprochée) prendront une génisse qu’on n’a pas fait travailler et qui n’aura porté aucun joug. Ces anciens feront descendre la génisse… et là, dans le ravin, ils briseront (sa) nuque … Et ils diront tour à tour: « Nos mains n’ont pas versé ce sang et nos yeux n’ont rien vu. Pardonne à ton peuple Israël, que tu as racheté, Seigneur et n’impute pas le sang innocent à ton peuple Israël! » (Devarim 21,1-10)
Ces règles de la « génisse » (égla àroufa) font partie des h’ouquim, ces lois dont la véritable raison ne nous a pas été révélée. Leur stricte observance permettait de « pardonner le sang versé ». Le targoum Yonathan rapporte qu’une multitude de vers sortait du ventre de la génisse et se dirigeait vers le meurtrier. Et c’est la révélation (miraculeuse) de l’identité du meurtrier et son jugement qui venaient calmer les sangs de la victime. Sur le lieu du crime reposait un « Rouah Toumà », une atmosphère d’impureté pour laquelle les Anciens devaient se laver les mains, pour se purifier.
Rachi rapporte la Guémara dans Sotta (46b) : « Nos mains n’ont pas versé ce sang » Te serait-il venu à l’esprit que les Anciens du tribunal fussent des meurtriers ? [Cela veut dire, en fait] « Nous ne l’avons pas vu et nous ne l’avons pas laissé repartir sans provisions et sans escorte ». Nous pouvons donc déduire de cette Guémara que si les Sages du tribunal l’avaient vu mais ne lui auraient pas donné de provisions et ne l’auraient pas raccompagné qu’ils ne pourraient dire : « nos mains n’ont pas répandu ce sang ». Parce qu’ils auraient été responsables de ce meurtre, d’une certaine façon.
Nos maitres nous expliquent, qu’en ignorant leur frère juif et en lui réservant un accueil « indifférent », ils entraineront sans le vouloir, chez quelqu’un d’autre, un mépris pour cet homme. Et ce mépris pourrait alors, à son tour, se transformer chez un autre, en une haine laquelle porterait au meurtre. C’est aussi d’après le Nahalat Eliezer, ce que la Torah attend ici des Sages du tribunal. Qu’ils montrent l’importance de la vie d’un homme et la gravité de ce crime en se déplaçant eux- mêmes jusqu’au cadavre, en mesurant les distances du cadavre aux villes voisines et en apportant la génisse dont ils auront à briser la nuque. Ils seront alors pardonnés du sang, versé peut-être, par manque de considération vis-à-vis de leur prochain. D’autres rapportent aussi que le simple fait d’accompagner un homme et de lui offrir des vivres pour son voyage est un Héssed (une générosité) qui aura une telle influence dans le monde qu’elle pourrait faire prévenir, ailleurs, une mauvaise conduite. Dans ces deux explications se trouvent illustrée l’interaction des actions individuelles de chaque membre du peuple d’Israël. Bien que totalement indépendantes, et sans aucun lien apparent, elles interfèrent à notre insu, car comme dit le Zohar Hakadosh, le peuple Juif est comme un grand corps articulé dont chacun d’entre nous est partie.
Chabbat Chalom Oumévorakh