Parachat Béhaàlotékha
Parmi les inscrits, désignés Anciens du peuple, « deux de ces hommes (ne s’étaient pas rendus à la Tente d’Assignation, ils) étaient restés dans le camp, l’un nommé Eldad, le second Médad. L’esprit (Saint) se posa sur eux … et ils prophétisèrent dans le camp. Un jeune homme (en l’occurrence Guerchom, le fils de Moché) courut l’annoncer(à son père) … Aussitôt Yéhochoua, fils de Noun, … prit la parole et dit : mon maitre, Moché, empêche-les ! Moché lui répondit : tu es bien zélé en ma faveur ! Puisse tout le peuple de D…, être composé de prophètes, et que l’Eternel fasse reposer Son esprit sur eux ! » (Bamidbar XI, 26-29).
La Guémara (Sanhedrin 17a) nous révèle que lorsque l’Eternel demanda à Moché de réunir soixante dix « personnalités », ces anciens, qui formeront les soixante dix Sages, Eldad et Médad ne se sont pas présentés, car ils pensaient ne pas mériter l’honneur d’être chefs. Et c’est justement pour leur modestie et leur humilité qu’ils furent choisis par D…, qui les éleva, même, au dessus des autres, car leurs prophéties surpassaient celles des anciens.
Eldad prophétisa que « Moché va mourir et Yéhochoua, le fils de Noun, lui succédera et c’est lui qui fera entrer le peuple en terre d’Israël » ; Médad annonça l’arrivée des cailles, venant de la mer, et qu’elles porteront finalement malheur au peuple.
Le rav ‘Haïm de Vologine explique que tous les autres prophètes avaient reçu leur prophétie par la médiation de Moché, comme il est dit : « et Je retirerai une partie de l’esprit qui est sur toi et la mettrai sur eux ; alors ils porteront avec toi la charge du peuple » (Id. verset 17). Tandis qu’Eldad et Médad ont reçu, eux, l’esprit prophétique directement de l’Eternel.
Yéhochoua se souciait de l’honneur de son maitre, Moché. Comme la lune, qui à la Création était venue réclamer, arguant que deux rois (le soleil et elle-même) ne pouvaient se servir d’une même couronne, Yéhochoua ne voulait pas que d’autres hommes soient au même niveau que Moché. Cependant la lune, qui à sa conception était aussi grande que le soleil, fut punie et diminuée de sa taille initiale. La Guémara (Baba batra 75) dira que, par suite, la face de Moché ressemblait au soleil et celle de Yéhochoua à la lune.
Le Brisk rov demanda un jour à son père, rabbi ‘Haïm Soloveitchik zatsal, pourquoi Yéhochoua voulait-il punir ces deux prophètes ? Si leur prophétie était fausse, ils seraient de toute façon passibles de mort, et si elle était vraie, ils avaient l’obligation de la révéler. Le prophète est tenu de faire connaitre la parole de D… qui lui est adressée, il ne peut la garder par devers lui. Il lui répondit qu’ils auraient dû par égard pour Moché rentrer dans la tente et ne pas prophétiser dans le camp.
Nous voyons que Yéhochoua était particulièrement sensible à ce qui était dit « contre » Moché, et quand bien même auraient-ils eu raison, il avait ressenti, dans la forme, un manque de respect, de « kavod », vis-à-vis du dirigeant d’Israël. Pourtant le midrach Tanhouma (Tétsavé 9) fait remarquer que Moché a vécu cent vingt ans et Yéhochoua n’a vécu que cent dix, et nous enseigne que Yéhochoua a, lui, d’une certaine manière manqué de kavod vis-à-vis de son maître Moché. Paradoxalement, en invoquant justement la transgression de prophétiser de façon indépendante en présence de leur maître. « Mon maître Moché, empêche-les ! Fais leur retirer l’esprit prophétique, ils méritent la peine de mort. Yéhochoua enseignait lui-même la loi devant son maitre.
Le rav Yé’hézkel Lévinshtein, zatsal, nous fait remarquer, que le midrach nous montre ici l’importance de l’honneur dû au Maître, la considération qu’il convient de lui porter. Et bien que Yéhochoua ait entendu de leur bouche, qu’il serait le futur dirigeant du peuple d’Israël, il ne s’est pas soucié de l’honneur qui lui était fait, mais est resté attentif et préoccupé de celui qui était dû à son maitre Moché, et prompt à réagir en sa faveur.