Parachat Nitsavim – Rosh Hashana 5780

Parachat Nitsavim – Rosh Hashana 5780

Dans la Paracha de cette semaine, nous lisons : « Car cette loi que je te prescris aujourd’hui n’est pas trop élevée pour toi ni trop lointaine. Elle n’est pas au ciel (…) Et elle n’est pas non plus au-delà des mers (…) Elle est au contraire très proche de toi : dans ta bouche et dans ton cœur, pour être accomplie » (Dévarim XXX, 11-14).

De quelle loi, de quelle Mitsva s’agit-il? Certains Richonim expliquent qu’il s’agit de la Mitsva de l’Etude et de l’observance de la Torah. Mais pour le Sforno et le Ramban ces versets parlent de la Mitsva de Téchouva (du repentir, du retour). Mais la Téchouva nous est-elle si proche et si facile à accomplir? En pratique, nous voyons plutôt qu’il est difficile, pour tout un chacun, de faire ce grand pas de Téchouva, qui n’est pas si évident, quel que soit le niveau.

Le Rav Haïm Chmoulévitch zatsal, Roch Yéchivat Mir, répond que la difficulté est due au fait que l’homme s’habitue à son comportement et ne remarque pas que sa situation se dégrade. Seul un brusque réveil lui permettrait de se rendre compte de son état, et le ramènerait sur la bonne voie.

Nous trouvons à maintes reprises dans le Talmud et dans les midrachim que c’est « l’effet de surprise » qui favorise, à bien des hommes, le retour en Téchouva. Comme cette histoire rapportée dans le Yalkout Chimoni Toldot (115) : « Yakoum le neveu de Rabbi Yossé ben Yoézer était à cheval un jour de Chabbat, alors que son oncle était emmené à la potence (condamné à mort par les ennemis d’Israël). Yakoum lui dit : regarde le cheval que mon maitre m’a donné et compare-le à celui que ton Maitre t’a réservé. Yossé ben Yoézer lui répond : s’il en est ainsi pour celui qui Le contrarie, il en sera à plus forte raison pour celui qui accomplira Sa volonté. Son neveu lui rétorque : y a-t-il quelqu’un au monde qui ait plus fait Sa volonté que toi? Alors reprend Rabbi Yossé s’il en est ainsi pour celui qui accomplit Sa volonté, il en sera davantage pour qui le contrarie. Ebranlé par ces paroles, le neveu fit subitement Téchouva, jusqu’à faire accomplir sur lui-même les quatre sentences de mort du Tribunal d’ici-bas. Rabbi Yossé eut la vision du corps de son neveu s’élevant au ciel et s’exclama « en ces quelques instants il m’aura devancé au Gan Eden ».

On peut supposer que, dans le passé, Rabbi Yossé ait sûrement tenté de ramener son neveu dans le chemin de la Torah, et manifestement sans succès jusqu’à cet échange, qui va interpeller Yakoum et déclencher sa prise de conscience brutale, laquelle, en un éclair, va le ramener en Téchouva. C’est aussi ce qui est rapporté dans la Guémara Avoda Zara (17a) à propos d’Eleazar ben Dourdaya qui, au moment même où il s’apprêtait à fauter, a été secoué par la remontrance d’une courtisane et s’est ressaisi. Il sera appelé Rabbi Eleazar ben Dourdaya !

C’est que l’homme prisonnier de la routine somnole dans ses habitudes. Pour le détacher et le réveiller il faut une situation, un évènement, ou un mot qui l’apostrophe et ce choc lui ouvrira les chemins de la Téchouva. La première réponse de Rabbi Yossé surprend tout d’abord Yakoum étonné qu’un Tsadik comme son oncle soit mis à mort. La seconde réponse va provoquer le choc et la véritable remise en question qui le mène à agir, grâce à quoi il ira directement au Gan Eden, précédant même son oncle Yossé ben Yoézer.

 ROCH  HACHANA

La deuxième Michna du traité Roch Hachana nous enseigne que : «  le monde est jugé quatre fois dans l’année :

-1) à Pessah sur la récolte (les moissons) ;

-2) à Chavouot sur (celle des) fruits de l’arbre ;

      -3) à Roch Hachana tout le monde défile devant D…. « comme des agneaux », lorsqu’ils sont comptés pour en désigner la dime, comme il est dit : Celui « qui a formé leur cœur à tous … observe (examine) tous leurs actes » (Téhilim XXXIII, 15) ; et

         -4) à Soukot, (jugé sur l’eau) pour la pluie.

            La Michna vient ensuite nous indiquer les dates de ces quatre jugements, mais curieusement ne mentionne pas, explicitement pour l’homme, qu’il est « jugé » à Roch Hachana, mais simplement qu’il passe devant le Créateur.

            Le Ran s’étonne pourquoi un jugement à Roch Hachana? Si Pessah est la période des moissons, Chavouot celle de la cueillette des fruits de l’arbre, et qu’à partir de Soukot commencent les pluies, en quoi Roch Hachana, le nouvel an, est-il le moment de notre jugement ? La réponse est que c’est précisément le jour de la création de l’homme, comme l’enseigne Rabbi Eliezer. Le monde a été créé le vingt cinq Elloul, l’homme le sixième jour, c’est-à-dire le premier Tishri : Roch Hachana. Ce même jour Adam Harichon a fauté, et ce même jour il a été jugé !

             Le rav Moché Chapira zatsal expliquait que chaque fête de l’année est un moment de renouvellement. Les enfants d’Israël revivent les moments antérieurs rapportés dans la Torah : à Pessah la sortie d’Egypte, à Chavouot le don de la Torah, à Roch Hachana la création de l’homme. Les Sages nous révèlent que ce jour-là, D… interrogeait ses légions célestes : faut-il créer l’homme ? La Vérité a répondu que Non,  parce que l’homme est mensonge. Le Hessed (la Générosité) a répondu Oui, parce que l’homme est clément et plein de bonté ; mais alors qu’ils discutent entre eux, D… leur apprend que « l’homme est déjà créé ».

             Qu’est-ce que nos Sages veulent nous enseigner du fait que l’homme ait été conçu alors que les Anges étaient encore en pleine discussion ? Pour le rav Chapira, la question n’ayant pas été tranchée, l’homme se doit, chaque année, de prouver qu’il mérite d’avoir été créé, et qu’il mérite de vivre. Il passera ainsi devant son Créateur, qui scrute les cœurs, mesure ses actions possibles, et appréciera son avenir éventuel.

            Le Talmud Yerouchalmi fait remarquer que, pour chaque fête, à propos des sacrifices, il est dit « vous offrirez » (véhikravtem) tel ou tel sacrifice, mais pour Roch Hachana il est dit « vous ferez ». C’est-à-dire que D… nous dit, en substance, pour Roch Hachana, lorsque vous serez jugé et acquitté, Je considère que vous vous êtes faits, que vous vous êtes, vous-mêmes, créés.

             « Faisons l’homme à notre image, à notre ressemblance » (Béréchit I, 26). Puis, au verset suivant le texte revient « D… créa l’homme à son image, c’est à l’image de D… (bétsélem Elokim) qu’il le créa » (Id.27). Le terme d’Elokim désigne le nom de D…. dans son action créatrice ; il est répété trente-deux fois dans le livre de Béréchit. D… a donné, « à son image », à l’homme, une certaine force créatrice, celle de se re-faire chaque année, en faisant pencher la balance du bon côté, et en justifiant ainsi le fait qu’il mérite de vivre.

             Trois livres sont posés devant le Créateur en ces jours redoutables. L’homme, qui aura réussi à faire pencher le plateau de la balance du bon côté, sera tout de suite inscrit dans le livre de la Vie, celui des Tsadikim, les Justes. A l’opposé les réchaïm, les renégats, sont inscrits pour la mort. Reste le livre des bénonim, celui des « moyens », intermédiaires, dont le sort est suspendu, dont le statut n’est toujours pas tranché, il leur faudra, dans les quelques jours qui mènent au Yom Kippour, revenir (en téchouva) pour se recréer et mériter la Vie.

Chabbat Chalom et Chana Tova