Parachat Vayétsé

Parachat Vayétsé

Les patriarches Abraham, Yits’hak et Yaakov représentent respectivement les vertus (midots) de générosité (‘hésséd), de rigueur (guévoura) et de vérité (éméth) comme le rapportent les deux versets : « Tu témoigneras à Yaakov la vérité, à Abraham la générosité… » (Mikha 7,2) et « le D…de mon père (…) que révère (Pa’had) Yits’hak » (Beréchit XXXI,42). Mais paradoxalement, Yaakov l’homme de la Vérité, fait usage à plusieurs reprises de ruse, voire de tromperie :

Il extorque à son frère Essav le droit d’aînesse contre un plat de lentilles, plaisir éphémère, que Essav regrettera, plus tard, amèrement. Ensuite, il vient s’emparer des bénédictions que son père destinait à son frère. Pour ne pas être reconnu, il entoure ses mains et son cou de peaux de chevreaux. Certes nos Sages enseignent que Yaakov ne sortit pas de mensonge de sa bouche. A son père, aveugle, qui l’interroge, il va répondre : « Je suis (en marquant une pause) Essav (puis mentalement « est ») ton premier-né » (Id XXVII, 29). Finalement il aura quand même trompé son père puisque celui-ci le prend pour Essav.

Dans notre Paracha, aussi, à Ra’hel qui l’avertit de se méfier de Lavan, il répond « je suis frère de ton père » (Id XXIX, 12) et Rachi rapporte le Midrach « s’il se comporte avec ruse je saurai moi aussi être son frère en tromperie ». Et chez Lavan, lorsque Yaacov demande à être payé, il se propose de ne recevoir que les bêtes qui naîtraient avec des taches, des rayures et des points. Après quoi il va s’employer à provoquer la naissance de ces bêtes particulières. Il « se pourvut de rameaux verts de peuplier, d’amandier et de platane ; il y pratiqua des entailles blanches en mettant à découvert la blancheur des rameaux… les brebis s’échauffèrent devant les rameaux et produisirent des agneaux rayés, pointillés, mouchetés » (Id XXX, 37-39).

Ces comportements de Yaakov sont-ils compatibles avec la mida de Vérité ? Le Rav Koppelman Zatsal rapportait le Midrach (Vayikra Rabba 26,7) concernant le roi Chaül qui, par l’intermédiaire d’une nécromancienne, interrogea le prophète Chmouël. « L’Eternel t’a arraché la royauté et l’a donnée à ton rival, à David » (Chmouël I, 28,17) fut sa réponse. Chaül lui demanda alors pourquoi, de son vivant, il lui tenait un autre langage et Chmouel de répondre : « à tes côtés, dans le monde de mensonges, craignant que tu ne t’en prennes à ma vie, tu as pu entendre de moi des propos mensongés, mais maintenant que je suis dans le Monde de Vérité tu n’entendras de moi que des paroles de vérité ».

De la réponse de Chmouel il faut comprendre que le mensonge fait partie des créations de ce monde. D’ailleurs, la vérité ne voulait pas que ce monde soit créé. « D… prit la Vérité et la jeta face à terre » (Beréchit Rabba 8,5), car ce monde ne peut tenir sans mensonge. De fait, un homme à l’esprit droit, épris de Vérité, doit parfois, pour l’atteindre, emprunter les outils de ce monde.

C’est ainsi que nous devons expliquer la conduite de Yaakov. Lavan l’avait trompé, et à plusieurs reprises. Il avait modifié les conditions de travail de Yaacov et le salaire. Celui-ci se devait de trouver le moyen d’obtenir ce qui lui revenait.

Essav, le dépravé, méritait-il le droit d’aînesse, qu’il méprisait ainsi que le service divin qui y est associé ? Yaacov, lui, se porte acquéreur, volontaire pour assumer la charge conjointe de la prêtrise. A lui le service du Temple ! Il paya avec de l’or nous dit le Midrach, le plat et le vin n’étaient que pour conclure l’affaire. Il lui appartenait ensuite d’éviter que Essav l’indigne ne soit béni. D’ailleurs Ytshak apprenant de la bouche de Essav la vente du droit d’aînesse déclarera : « J’ai eu peur d’avoir commis un péché…mais j’ai en fait béni le premier-né de droit. Et bien ! Il restera béni ! » (Midrach Tanhouma)

Chabbat Chalom Oumévorakh