Parachat Noa’h
Par le déluge, D… « effaça tout être qui était sur la face de la terre … il ne resta que (akh) Noa’h et ce qui était avec lui dans l’arche. » (Béréchit VII, 23). Rachi rapporte le Midrach qui interprète le mot « akh » (seulement), dans un sens réducteur, comme pour dire que Noa’h n’était pas entier. Il se donnait tant de mal à s’occuper de tous les animaux, sauvages et domestiques, qu’il gémissait et crachait du sang. Un autre Midrach révèle, qu’un jour, ayant tardé à nourrir le lion, celui-ci l’avait mordu au talon, et depuis il boitait. Ce qui le rendait inapte à la prêtrise, et c’est Chém son fils, qui, au sortir de l’arche, présenta les sacrifices à sa place.
La Guémara (Sanhedrin 108b) rapporte que Chém racontera plus tard, à Eliezer, qu’ils n’avaient pu dormir pendant douze mois. Il leur fallait veiller (à quatre personnes) à servir à chaque animal, les quantités nécessaires à sa survie, et selon sa particularité, le jour pour celui qui se nourrissait le jour, la nuit pour celui qui s’alimentait la nuit.
La Talmud nous apprend que l’animal n’attaque l’homme que lorsque celui-ci perd le « Tsélem Elokim » (l’image de D…) qui est en lui (Chabbat151b). Noa’h, malgré tant d’efforts et de dévouement, aurait-il perdu son Tsélem Elokim, pour avoir, une seule fois, retardé le repas du lion ?
Pour nous répondre, le Rav Yaakov Galinski zatsal se réfère au texte de la Guémara Baba Métsia (86b), au sujet d’Abraham et des Anges qui vinrent lui rendre visite. Ce qu’Abraham fit, par lui-même, en les recevant, le Saint-Béni-soit-Il le fera également, par Lui-même, à ses descendants : « Abraham courut au troupeau » (Béréchit XVIII, 7) – « un vent s’éleva de devant D… qui suscita des cailles » (Bamidbar XI, 31) ; « Il prit de la crème et du lait » (Béréchit id, 8) – « Je vais faire pleuvoir pour vous une nourriture céleste » (Chémot XVI,4) ; « il se tenait devant eux sous l’arbre » – « Je serai debout devant toi sur le rocher »(Chémot XVII, 6). Mais tout ce qu’Abraham a fait faire par un intermédiaire, le Saint-Béni-soit-Il aussi, le fera faire par un intermédiaire : « qu’on aille quérir un peu d’eau » (Béréchit idem 4) – « tu frapperas ce rocher et il en jaillira de l’eau » (Chémot idem).
C’est que nos patriarches sont les bâtisseurs du peuple d’Israël, leurs conduites en assurent les fondements, et chacun de leurs actes aura des répercussions, en réplique, sur toutes les branches de leur descendance.
L’arche, qui abritera Noa’h et ses enfants, sera le lieu de préparation du nouveau monde (un monde meilleur que celui qui vient d’être détruit), elle sera le creuset de nouvelles pratiques. Si la génération du déluge a connu la dépravation des mœurs, la conduite dans l’arche devra être d’une sainteté exemplaire (interdisant les relations conjugales et même l’accouplement des animaux). Le verdict de cette génération avait été scellé à cause du « ‘Hamas », du vol avec violence (Rachi 6,13). « Le monde sera construit par le ‘Héssed », la générosité (Téhilim 89,3). Un ‘Héssed sans limite, une largesse extrême, à l’égard de toutes les créatures, jusqu’au moindre des animaux, sans répit et avec méssirout néfech. Un instant de retard, pour le repas du lion, fait tache, apparaît comme une lacune, une faille dans l’édifice du monde. C’est pour cela que Noa’h a été puni.
La Torah nous rappelle que la construction de l’homme se fait dans l’enfance. Elicha ben Abouya, A’her, se détourna de la Torah à cause d’une éducation faussée (Tossefot Haguiga 15a), alors que Rabbi Yéhochoua ben Hannanya doit sa grandeur à sa mère qui amenait son berceau au Beth Hamidrach (Yerouchalmi Yebamot ch.1, hal. 2).
Ce monde-ci est le couloir du monde futur, le lieu de sa préparation. Chaque action est une semence pour l’autre monde. Celui qui donne au pauvre, dans ce bas monde, généreusement, à pleine poignée, recevra de l’Eternel en retour dans le monde futur, pleine poignée de Bien et de Bonheur (Sanhedrin 100a).
Chabbat Chalom