Parachat VAYIGACH
Yaakov descendit en Egypte retrouver son fils Yossef, quittant la terre de Canaan frappée de famine, pour s’installer en terre de Gochen. Nos Sages nous révèlent (Chabbat 89,b) que Yaacov était destiné à descendre en Egypte, enchainé par des chaines de fer, mais ses mérites l’épargnèrent de ce destin funeste : « Je les ai menés avec des liens d’humanité, avec des cordages d’amour » (Hochéa XI,4).
Yaakov savait que c’était le début d’un long exil et il avait peur. L’Eternel lui dit : « Je suis le Seigneur … n’hésite point à descendre en Egypte … Moi-même je descendrai avec toi en Egypte, Moi-même aussi Je t’en ferai remonter » (Béréchit XLVI, 3-4).
« Moi-même Je descendrai avec toi », le Targoum Onekelos traduit textuellement « Je descendrai ». Le Rambam dans son Moré névoukhim (I ch27) s’étonne, il aurait dû traduire « Je me dévoilerai » parce que Onekolos s’éloigne généralement de toute expression anthropomorphique concernant D… Pour « le Seigneur descendit sur le mont Sinaï » (Chémot XIX, 20), il traduit par « Le Seigneur se dévoila au mont Sinaï » et aussi « Je veux y descendre ; Je veux voir si… » (Béréchit XVIII, 21), par « Je veux m’y dévoiler », ou encore « J’entendrai cette plainte » (Chémot XXII, 22), par « J’accepterai cette plainte ».
Le Ramban (Nahmanide) répond que c’est là une allusion à ce que disent nos Sages (Mékhilta chira 2), que lorsque les enfants d’Israël furent exilés en Egypte, la Chékhina, la Présence de D…, Elle aussi, est sortie en exil les accompagner, et les accompagnera partout où ils se trouveront exilés. Curieusement c’est le terme « Anokhi », celui de la Révélation la plus manifeste, celle au mont Sinaï, « Je suis (Anokhi) l’Eternel ton D… », qui désigne l’Eternel dans cet accompagnement. « Je (Anokhi) descendrai avec toi en Egypte ». Surprenant, car le principe même de la Chekhina-en-exil est l’occultation de Sa lumière, et « l’éloignement » de sa perception.
Le Midrach rabba (86,4) s’étonne à propos du verset « le Seigneur fut avec Yossef » (Béréchit XXXIX, 21), le Seigneur était-Il uniquement avec Yossef et non pas avec ses frères ? le Midrach se livre à une allégorie : « un homme qui transportait du vin, sur ses douze bêtes, part à la recherche de l’une d’entre elles, égarée en chemin, dans une propriété privée. Il a laissé les onze autres bêtes pour récupérer la douzième. On lui dit alors : tu laisses onze pour t’occuper d’une seule ? Il répond : pour les onze qui sont dans la rue je n’ai rien à craindre, personne ne touchera au vin qu’elles transportent, mais cette bête, entrée chez un idolâtre, s’il touchait au vin, il nous l’interdirait. Un peu comme si D… considérait que les frères de Yossef étaient des adultes, réunis, à l’abri avec leur père, alors que Yossef, est encore un enfant, tout seul en ce pays d’Egypte. C’est donc avec lui que Je dois être.
Le rav ‘Haim Fridlander, dans son sifté ‘Haim, conteste la similitude, car si cet homme ne peut être à la fois avec ses onze bêtes et avec la douzième échappée, D… quant à Lui peut, parfaitement, être à la fois avec Yossef et avec ses frères ! En fait, nous explique le Rav, le Midrach veut nous apprendre que lorsque la Chékhina est en exil, bien qu’il y ait retrait de la lumière divine, D… se dévoile, cependant, pour nous garder dans toutes les difficultés. La Chékhina avait devancé Yaakov, elle était descendue en Egypte avec Yossef, pour préparer l’exil des enfants d’Israël. Yossef a eu droit à une protection particulière et un dévoilement de D… en Egypte, qui favorisa sa réussite. « Le Seigneur fut avec Yossef » au point que même « son maître (Pothifar) vit que D… était avec lui » (Id., 3), mais ce dévoilement particulier ses frères, eux, ne l’avaient pas eu en terre de Canaan.
Lorsque Yaakov dut descendre en Egypte, sachant que c’était le début de l’exil, il avait peur de ne pas avoir avec lui le « dévoilement de D… » pour l’accompagner et le protéger. Il craignait que sa descendance ne trébuche et ne tombe dans l’impureté de l’Egypte. C’est pourquoi D… le rassure : « Moi-même je descendrai avec toi en Egypte, Moi-même aussi Je t’en ferai remonter ».
Chabbat Chalom