Yom Kippour

Yom Kippour

Le bouc émissaire ou comment se défaire complètement du mal

            Le jour de Kippour, il fallait apporter au Temple deux boucsen toutsemblables, demême couleur, de même taille (Vayikra 16, 5-22). Le Cohen Gadol procédait alors au tirage au sort, qui désigne le bouc à sacrifier « pour Hachem » et celui « pour Azazel », le séïr hamichtaléa’h, qui sera jeté du haut de la falaise.

Ce séïr, bouc émissaire, offrait une particularité absente des autres sacrifices présentés au Temple, au nom de la Communauté. Qu’il s’agisse d’holocauste (ola), d’expiation (‘hatat), d’offrandes volontaires (nédava), ou même du bouc désigné « pour Hachem », tous avaient pour fonction d’expier une seule et même faute : celle d’avoir porté atteinte à la « pureté du Temple et à sa sainteté » (Chévouot 2a). Le bouc émissaire apportait, lui, l’expiation de toutes les fautes, des plus légères aux plus graves, commises par inadvertance (chogueg) ou intentionnellement (mézid), sanctionnées par la peine de karèt (retranchement de l’âme) ou par la peine de mort (mitat Bet Din), à la condition exclusive que le coupable se soit repenti. Autrement, ce bouc ne réparait que les fautes les plus légères, qu’il pouvait faire pardonner même en l’absence du repentir du fautif, (Rambam Hilkhot Téchouva 1, 2).

            Le jour de Kippour, « Aharon appuiera ses deux mains sur la tête du bouc … et confessera … toutes les iniquités du peuple » (Vayikra XVI, 21) ; après quoi on amènera ce bouc à distance, pour le jeter du haut de la falaise, au bas de laquelle il arrive disloqué.  

Le Rav Chimchon Pinkous, zatsal, rapporte le Zohar (Paracha « Emor », p.88/b) qui relie ce protocole de Kippour à la rencontre de Yaakov avec Essav. Lorsque Yaacov, de retour en Terre sainte, apprend qu’Essav (l’incarnation du mal) vient à sa rencontre, accompagné de quatre cents hommes, (des anges accusateurs), « Yaacov eut peur et fut angoissé » (Beréchit XXXII, 8). Inquiet, Yaacov multiplie prières et supplications, jusqu’à ce que lui vienne l’incroyable solution, celle qui lui permettra d’échapper à Essav : lui faire un présent, lui offrir un cadeau ! « J’apaiserai son visage par le présent qui me devance » (Id., 21). « Alors Il prit de ce qu’il avait en sa possession, un présent pour son frère, deux cents chèvres, vingt boucs … » (Id., 14-15).

            Le bouc émissaire fait référence à ce cadeau, qu’Essav acceptera, et qui lui fera abandonner toute agressivité à l’égard de Yaacov. « Ce jour même, Essav reprit son chemin vers Séir » (Béréchit XXXIII, 16). Le bouc, ce cadeau à l’ange accusateur, fera qu’à la prière de Néïla, cet « ange » s’éclipsera ; et le Saint béni soit-Il pardonne alors à Israël toutes ses fautes. Le cadeau aura été un présent corrupteur qui fait taire ses accusations, au mentor céleste d’Essav.

            C’est que les Enfants d’Israël prennent plaisir à tout ce qui relève de la spiritualité. « La voix de Yaakov », celle de l’Etude de la Torah, des mitsvot, et des prièresquand elle se fait entendre, aura toujours le dessus sur « les mains de Essav », lequel « vit de la lame de son épée », tant son aspiration est celle de la violence.

Tel est le sens profond des deux boucs, l’un est pour Hachem, l’autre pour Azazel ; deux camps absolument distincts. En ce jour saint de Kippour, le choix des deux boucs et leur devenir, met en évidence l’opposition de deux mondes, totalement hermétiques, l’un à l’autre. Le premier consacré à « Hachem », sera sacrifié dans la Maison de D…, son sang aspergé à l’intérieur du Saint des Saints (kodech haKodachim). L’autre bouc, « pour Azazel », sera jeté du haut de la falaise, offert aux mains d’Essav, « l’impitoyable », qui prend plaisir à voir les membres de l’animal se disloquer.                                                           

            Nous avons choisi notre camp, ce qui n’empêche pas Essav d’essayer des rapprochements, de tenter de nous séduire. Sans cesse, il cherche à créer des liens avec nous, mais … pour nous détourner du chemin qui est le notre. A nous de refuser et de lui dire que nous n’avons rien à faire avec lui. Qu’il retourne vers Séïr !

            Que le Saint Béni soit-il puisse toujours dire de nous que nous sommes de Son camp, et qu’Il nous inscrive dans le livre de la Vie et de la Paix. Amen !

Gmar ‘Hatima Tova et Chabbat Chalom