Parachat Toldot

Parachat Toldot

« Yts’hak devenu vieux … appelle Essav son filset lui demandede lui préparer un mets savoureux … afin que mon âme te bénisse avant que je meure. » (Bérechit XXVII, 1-4). Comment Yits’hak a-t-il pu se méprendre sur le comportement de son fils Essav, au point de vouloir le bénir, lui, plutôt que Yaacov ? Ne savait-il pas que derrière les questions spécieuses qu’il posait, se cachait en fait un Racha ?

Pourquoi Rivka n’a-t-elle rien dit à Yits’hak ? On lui avait pourtant révélé pendant sa grossesse que deux peuples sortiraient d’elle, un Tsadik et un Racha. Les commentateurs répondent que l’information étant d’ordre prophétique, elle pensait que si Yits’hak devait la savoir, l’Eternel la lui aurait apprise directement.

En tout cas, en grandissant, Yaakov et Essav étaient tellement différents, dans leur choix de vie et dans leur conduite, qu’il n’y avait plus de doute sur le destin de Essav. Yits’hak pouvait-il encore l’ignorer ? Essav était né Admoni (rouge) signe d’une prédisposition à verser le sang (Rachi XXV, 25). Plus loin, Yits’hak dira qu’Essav n’avait pas l’habitude de mentionner le nom de D… (Rachi XXVII, 21). Yits’hak connaissait donc son fils mais voulait tout de même le bénir, lui, plutôt que son frère Yaakov !

Le rav Yits’hak Dov Koppelman, zatsal, rappelle le Midrach (rabba 65,9) qui dit que Yits’hak demanda à D… des souffrances, des Yissourim, dans ce monde-ci. L’Eternel lui dit alors : « Tu demandes quelque chose de bon, et c’est par toi que les souffrances commenceront ! » Yits’hak était le symbole de la Guévoura, la rigueur et il pensait que justement, à travers les difficultés et les tourments, il se surpasserait pour pouvoir servir l’Eternel de tout son être. Le Ramban écrit aussi (dans son introduction au livre de Iyob) qu’il vaut mieux, pour un Tsadik, endurer sur terre toutes les souffrances de Iyob, et ne pas perdre de ses hauts niveaux dans le monde futur. Rabbi Akiva, aussi, au moment où les romains  lui arrachaient la peau avec des pinces en fer, avait dit à ses élèves : « Toute ma vie, j’attendais de pouvoir vivre le verset : Tu aimeras l’Eternel de toute ton âme, quand bien même Il te prendrait ton âme ! Et aujourd’hui que je peux l’accomplir, ne vais-je pas le faire ? » C’est que, par ses souffrances, l’amour de D… chez Rabbi Akiva allait connaître un niveau tel, qu’il n’aurait jamais pu atteindre autrement. Car les Yissourim peuvent élever l’homme à des niveaux spirituels exceptionnels.

C’est pourquoi, explique le rav Koppelman, Yits’hak ne voulait pas donner ses bénédictions à Yaakov. Il pensait que Yaakov devait dépendre entièrement de Essav, lequel le ferait certes souffrir pour ne lui octroyer que le minimum nécessaire à la vie matérielle, ce qui le mènerait cependant à de hauts niveaux spirituels, par la justice et par la rigueur. Mais cette mida de rigueur n’était propre qu’à Yits’hak ; l’Eternel voulait pour Yaakov, une mida différente.

L’homme vit sur terre avec des besoins matériels qu’il lui importe de satisfaire, mais dont les profits sont juste une aide, pour mener à bien sa mission spirituelle. Dans ce parcours, maintes épreuves risquent de l’éloigner, voire de le détourner de son Créateur. Pourquoi finalement Yaakov devait-il recevoir ses bénédictions par la ruse ? Pour justement apprendre à ne revêtir que l’apparence de son frère : il a dû porter ses habits, se couvrir d’une peau de bête pour paraître poilu comme lui, et recevoir ses bénédictions pour avoir lui aussi une place dans ce monde qui est celui de Essav. Mais il est resté  lui-même dans son for intérieur, n’a pas cherché à dissimuler sa voix, « la voix de Yaakov » qui tant qu’elle se fera entendre aura toujours le dessus sur « les mains de Essav ».

Chabbat Chalom Oumévorakh