Parachat HAAZINOU

Après le « mizmor chir léyom hachabat » d’Adam Harichon au Gan Eden, le Cantique de la mer rouge à la sortie d’Egypte (Chemot XV, 1à18), et celui sur le puit de Miryam dans le désert (Bamidbar XXI, 17à20), «Haazinou» est le quatrième des chants « prophétiques» rapportés dans le Pentateuque. Moché le prononça le jour de sa mort : « Prêtez l’oreille, cieux, et je parlerai, que la terre écoute les paroles de ma bouche » (Dévarim XXXII ; 1).

C’est par ce verset que Moché Rabbénou commence ses remontrances. Il prend à témoin le ciel et la terre de ce qu’il dira aux enfants d’Israël, de ce qu’il les met en garde de rester fidèles à la Torah de l’Eternel, et d’observer ses prescriptions. Car le Ciel et la Terre seront toujours présents, alors que lui, Moché, va bientôt quitter ce monde. Mais c’est aussi parce que lorsque les enfants d’Israël seront méritants, ce sont ces témoins qui viendront apporter leurs récompenses : la Terre donnera sa récolte de céréales, et de sa vigne les fruits ; le Ciel fournira la rosée et la pluie (Adapté de Rachi).

Le Ben Ich Haï nous fait remarquer que Moché ne s’adresse pas de la même manière au ciel et à la terre. Au ciel, il va parler directement, quant à la terre, il lui demande seulement d’écouter ce qui va être dit au ciel. Le terme hébreu ואדברה) je parlerai) annonce généralement des paroles dures et sévères, alors que pour פי אמרי) les paroles de ma bouche) c’est un dérivé du verbe vayomér qui est ici utilisé, lequel verbe exprime toujours une parole à venir douce et agréable.

C’est pourquoi le Ben Ich Haï nous propose une autre lecture, une lecture d’entre les lignes, s’appuyant sur le verset du Michlé (Proverbes IX, 8) qui dit : « ne morigène pas le railleur, car il te haïrait ; fais des remontrances au sage et il t’en aimera davantage ». Comment faire des remontrances au railleur, lui adresser la moindre remarque? Ne lui parle pas directement, il ne t’écoutera pas! Bien au contraire il tournera tes propos en dérision. Adresse-toi plutôt, en sa présence, à quelqu’un d’autre, qui lui serait prêt à t’écouter, et de cette façon indirecte il prêtera l’oreille à tes paroles, qui pourront le pénétrer.

La Torah nous enseigne ici un savoir-faire : Moché s’est tourné vers le ciel mais c’est à la terre qu’il destine ses recommandations. Ce n’est pas exactement que le ciel soit le sage et la terre le railleur du verset de Michlé. La terre est fidèle dans sa fonction et dans ses tâches, elle fait pousser ce qu’on a planté en elle, elle ne produira pas de l’orge si on a semé du blé.
Mais la terre est ancrée dans la matérialité, elle s’occupe du monde du bas où la nature est capricieuse, tandis que le ciel symbolise les mondes d’en haut, le côté élevé, le côté spirituel.
De même pour les juifs sages, les tsadikim qui gardent la tête au ciel, le langage de Moché utilise des paroles de rigueur, dures et sévères, du niveau de leur grande exigence personnelle. Mais pour les railleurs, et les « bons vivants » auxquels il s’adresse indirectement ce sont des paroles douces et agréables qu’il veut leur faire entendre.

Shabbat Shalom Oumevorakh

Gmar Hatima Tova